Marion Allemoz (hockey-sur-glace) : « Le groupe arrive à maturité ! »
La capitaine de l’équipe de France de hockey-sur-glace Marion Allemoz, 32 ans, rêve d’une première qualification aux JO lors du tournoi de qualification olympique (TQO) organisé à Lulea en Suède du 11 au 14 novembre 2021. Pour cette enfant de la balle qui a intégré l’équipe nationale il y a 16 ans, ce serait une belle récompense, couronnant les efforts d’un collectif soudé et intergénérationnel…
Je crois que tu as débuté très tôt le hockey…
J’ai commencé à l’âge de 4 ans au club de Chambéry. J’ai suivi la lignée familiale, mes grands frères et grandes sœurs jouaient aussi au hockey sur glace. Mais comme j’ai une grande différence d’âge avec mes sœurs, elles avaient arrêté leur carrière quand j’ai débuté. J’ai joué dans des équipes mixtes jusqu’à 18 ans et avec des équipes féminines à partir de 14 ans.
Et tes frères et sœurs ont aussi atteint le haut niveau ?
Oui, tout le monde a joué en D3 ou en D2. J’ai même une sœur qui est devenue entraîneur de hockey par la suite. On peut dire qu’il y avait un certain engouement pour ce sport dans la famille.
Comment était-ce de jouer avec des garçons ? Tu étais bien acceptée ?
Oui, pour moi il n’y avait aucune différence. Je me suis toujours bien intégrée. C’est sûr que le fait de grandir avec eux, ça m’a aidée. On m’a souvent posé la question sur le fait que ce n’est pas un sport féminin, mais pour moi c’était naturel. Il y a peut-être eu quelques décisions d’entraîneurs liées au fait que je sois une fille, mais ça n’a pas gêné mon développement.
Le week-end je jouais essentiellement dans une équipe mixte
En fait tu n’avais pas d’autre choix que de jouer avec des garçons ?
Non en effet. Il y avait très peu d’équipes féminines quand j’ai commencé. J’allais jouer quelques matches de temps en temps le week-end mais je jouais essentiellement dans une équipe mixte. A l’époque, j’avais ce qu’on appelait la « licence bleue » qui me permettait de faire les deux. C’est vrai que c’est particulier, mais aujourd’hui, il y a encore des filles qui jouent avec des garçons jusqu’en U20 (20 ans et moins).
Quelles sont les différences entre hockey féminin et hockey masculin ?
La seule règle qui diffère c’est qu’on n’a pas le droit de faire un contact au milieu de la glace (une mise en échec). On a juste le droit de faire ce qu’on appelle un « serrage » lorsque la joueuse est proche de la barrière.
Et toi tu es résolument une attaquante, une buteuse ?
Oui, j’aime bien attaquer, j’aime bien marquer mais j’ai aussi des qualités défensives. C’est lié au poste de centre que j’occupe. C’est-à-dire qu’on est à la fois basse, avec la ligne défensive et en pointe, avec la ligne offensive.
Ou en est le hockey féminin en France ?
Il progresse, surtout ces dernières années. La Fédération nous aide beaucoup, ça se développe petit à petit. Le championnat reste un peu hétérogène. Comme la saison dernière ne s’est pas jouée, je dois avouer que je ne sais pas trop où ça en est actuellement (1).
Est-ce que la création d’une fédération française de hockey-sur-glace a changé quelque chose pour le hockey féminin ?
C’est sûr que ça nous a aidé en termes de développement et de visibilité. Ensuite, la Fédération a créé le pôle France féminin en 2008 ce qui a été une avancée.
Où est-il situé ?
Au départ, il était basé chez moi à Chambéry et maintenant il est à Cergy-Pontoise là où se trouve également le siège de la fédération.
Et tu en as profité ?
Oui, j’en ai fait partie pendant quatre saisons, de 2008 à 2012 avant de partir au Canada.
Et là-bas, tu as vécu une belle aventure au pays du hockey…
Oui, j’ai passé quatre années aux Carabins de l’Université de Montréal en hockey universitaire. Le hockey, là-bas, c’est un sport national, c’est un autre monde. Le sport universitaire aussi est différent. C’était une expérience extraordinaire. Le niveau était complètement différent et cela m’a permis de franchir des étapes importantes dans ma carrière. J’ai beaucoup progressé et j’ai côtoyé les meilleures Canadiennes. Sur le plan physique et la vitesse de jeu, j’ai énormément appris.
Et en université, tu as pu aussi enrichir ta formation en étudiant la criminologie ?
Oui, c’est ça. Tout le monde pense que c’est « les Experts », mais en fait, c’est surtout l’aspect social que j’ai étudié. Tout ce qui est maison de transition, victimologie, aide à la personne. Aussi bien sur le plan des victimes que des criminels. J’avais déjà entamé des études dans ce domaine en France, dans le travail social. C’était donc une forme de continuité pour moi.
Et au Canada, tu as également eu la chance de jouer en professionnelle avec « les Canadiennes » de Montréal. J’imagine que c’est aussi une sacrée expérience…
Oui, c’est sûr que pouvoir jouer aux côtés de joueuses comme Marie-Philip Poulin, l’actuelle capitaine de l’équipe du Canada ou Caroline Ouelette était une super expérience. Ce sont de très grands noms au Canada et au Québec.
Et il y avait de l’ambiance ?
Oui en général, on jouait dans des stades pleins même si ce n’était pas aussi grand que le mythique « Centre Bell » où évoluent les Canadiens.
La ligue professionnelle féminine a ensuite disparu ?
Oui, la Ligue a disparu pour des raisons financières. Là, je sais qu’ils essaient d’en remonter une avec la « NHL » mais ce n’est pas pour tout de suite.
J’ai de bien meilleures conditions ici en Suède. Mais le hockey féminin, ça reste précaire
J’imagine que tu ne roulais pas sur l’or en tant que professionnelle….
Non, j’avais un petit boulot d’encadrement dans un sport-étude à côté. J’ai de bien meilleures conditions ici en Suède (Marion joue pour le club de Modo NDLR), c’est plus structuré. Mais le hockey féminin, ça reste précaire.
Quelle est ta vie en Suède ?
Modo est vraiment une petite ville très tranquille qui vit pour le hockey. Je me concentre à fond sur mon sport surtout qu’on a souvent deux matches par week-end. Je fais aussi quelques heures de travail pour le club, je participe notamment à l’organisation des matches de l’équipe masculine.
Tu as également le projet de devenir entraineur ?
Oui, j’ai obtenu mon DE (diplôme d’Etat) l’année dernière en France. Et c’est une option pour l’après carrière.
A court terme, il y a donc l’équipe de France et ce tournoi de qualification olympique. J’imagine que tu as vécu une belle évolution depuis ta première sélection en 2005 ?
Oui, il y a eu une belle progression, surtout ces dernières années avec la mise en place du pôle France. C’est vrai qu’il y a davantage de joueuses mais surtout, on a réussi à les garder. Quand je prends le groupe actuel, on peut dire qu’on joue ensemble depuis presque 10 ans. C’est vraiment un groupe qui arrive à maturité, c’est ce qui fait notre force. On s’entend très bien et l’ambiance est très bonne. Il y a la génération des plus anciennes à laquelle j’appartiens, une génération intermédiaire et les petites jeunes qui ont intégré le groupe récemment. On forme un bon collectif.
Y-a-t-il un ou des entraîneurs qu’il faut associer à cette progression ?
Je pense que Christine Duchamp a été très importante pour le hockey féminin en France. C’est elle qui a créé le pôle France. Il y a eu un gros impact sur beaucoup de joueuses. Et puis aussi Grégory Tarlé qui est l’entraîneur actuel de l’équipe et qui est là depuis très longtemps avec notamment la qualification pour les championnats du monde 2019 (2). Ce sont des personnes qui se sont beaucoup investies.
Crédit photo: Matt Zambonin IIHF
On a tout mis en place pour être prêtes le jour J
Comment abordes-tu ce TQO en Suède ? Ça ne semble pas évident sur le papier avec la Suède à domicile, la Slovaquie et la Corée du Sud…
Je le sens bien. Mais ça reste un tournoi de trois matches qu’il faut gagner. On a tout mis en place pour être prêtes le jour J. La Suède reste l’équipe la plus redoutable. On les a affrontées trois fois l’été dernier et on les a battus une fois. Je pense que ça nous a aidé à y croire, à voir que c’était possible tout en restant réalistes. On sait ce qu’on a à faire pour les battre mais on ne sous-estime pas les autres équipes.
1.L’équipe de Cergy Pontoise, 18 fois championne de France, a bien débuté la saison avec notamment une victoire sur Tours, sa principale rivale.
2.L’équipe de France féminine s’était qualifiée pour les championnats du monde élite en Finlande où elle avait terminé à la 10e place.