Edgar Grospiron : "J’étais capable de le faire"

Edgar Grospiron JO Albertville 1992 podium avec anneaux olympiques

CNOSF/PRESSESPORTS/LANDRAIN

Il y a tout juste 30 ans, le 13 février 1992, Edgar Grospiron devenait le premier champion olympique des bosses sur la piste de Tignes et sous une neige abondante. Aujourd’hui, devenu coach certifié et formateur apprécié, « Gagar » remonte le temps et se félicite du parcours de la toute jeune Perrine Laffont qui a dignement repris le flambeau…

 

Que reste-t-il de ce 13 février 1992, trente ans après ?
Il reste plein de belles émotions. Ça m’a apporté plein de choses. Cela m’a donné énormément de confiance en moi. Cela m’a donné de la légitimité. Ça m’a donné de l’assurance. Ça m’a apporté un certain respect. Je pense que ce qui a le plus changé, c’est le regard de gens à mon égard. Ce qui subsiste encore aujourd’hui.

Que serait ce regard, si je n’avais pas gagné ? Ça, je ne le sais pas. Mais bon, tu me lances là-dessus. Il reste quelque chose, c’est sûr.  

 

En revoyant les images, on constate qu’il neigeait des « pièces de cinq francs » comme peut le dire Jean-Claude Killy, le patron de l’organisation des Jeux de 1992 (1). Et là, j’apprends que ce même Jean-Claude Killy avait appelé ton coach pour lui demander : on y va ou pas ? C’est vrai cette histoire ?
C’est totalement vrai. Jean-Claude appelle Nano Pourtier, mon coach, qui avait un téléphone, un Radiocom 2000 (2), sur la piste, et il lui dit : « on fait quoi ? Avec cette neige, la course ne va pas être équitable et c’est nous, les Français qui allons être pénalisés. »  La neige va tomber de plus en plus fort et les deux Français, Olivier Allamand et moi, qui avaient fait les deux meilleurs scores de la qualif vont partir les deux derniers. Et là, Nano a été super lucide. Il a dit, attends, je vais demander aux coureurs. Il n’a pas pris de décision à notre place. Ce qu’il aurait pu faire.  

 

Et là tu n’as pas hésité ? 
Oui, on lui a dit : on est prêts, on y va.  

 

Parfois, tu as envie de faire autre chose, de penser à autre chose. De faire un break. Ce n’est pas simple tous les jours mais c’est le cœur du métier. On a signé pour ça.

 

Oui, ce dont on ne se rend pas bien compte avec ton image de joyeux drille, c’est que ce court moment sur la piste de Tignes, cela faisait un certain nombre d’années que tu le préparais…
Oui, pour jouer le vieux con, il faut que les jeunes se rendent compte ou plutôt il ne faut pas trop qu’ils se rendent compte sinon ça risque de les dégoûter, que la réussite est le fruit d’un long processus. Il y a des années où tu en rêves. Après, cela devient un projet avec un certain nombre d’étapes. Et puis un jour, ça devient un objectif. Et enfin cela devient une réalité. Ce chemin est long et tortueux et au fur et à mesure, la pression monte. On te ramène tout le temps à ton sport et à tes performances, on va te questionner sans arrêt jusqu’à atteindre parfois la saturation. Parfois, tu as envie de faire autre chose, de penser à autre chose. De faire un break. Ce n’est pas simple tous les jours mais c’est le cœur du métier. On a signé pour ça. Mais bon, l’entourage est plutôt sympa, ça ne part d’un mauvais sentiment, mais il faut pouvoir l’assumer.

 

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Getty Images / JO Albertville 1992 

 

Tu t’es donc retrouvé en pleine lumière. Et depuis, tu as fait différentes choses mais ta principale activité est d’animer des séminaires en entreprise sur des thèmes comme la performance ou la motivation en utilisant ton vécu de sportif de haut niveau. Il t’est même arrivé de faire ta présentation à l’Accor Arena de Bercy devant 15 000 personnes…
C’était une conférence devant 9 500 personnes, mais c’est déjà pas mal. Oui, j’aime bien faire le show. Bon ça, c’était exceptionnel. En général, je donne des conférences devant 200-300 personnes dans des théâtres ou dans des salles plus petites. Mais là, à Bercy, c’était intense en termes d’émotions. Ça prend aux tripes. Je pense que c’est le même métier que skieur de bosses. Il faut être un vrai showman pour faire ça. Pour faire des bosses, il faut aimer faire le show, et pour animer des conférences, il faut aussi aimer faire le show.

 

Pourtant les bosses, on pourrait imaginer qu’on peut faire ça de manière mécanique avec juste une technique parfaite et des sauts de malade, super techniques, dans le genre « tueur froid » ?
Non, on en a eu des comme ça. Des stakhanovistes de la bosse, qui ne font rien pour amuser la galerie. C’est le même sport mais ce n’est pas la même approche. C’est un sport à jugement donc, oui, tu peux faire ça simplement pour le geste. Mais dans ce cas, tu te coupes du jugement et tu te coupes du public. Tu ne prends pas en compte toutes les composantes du sport. Mais, bon chacun son truc.

 

Alors pour revenir trente ans en arrière. Tu étais l’immense favori de cette épreuve des bosses. Tu avais gagné la qualification et tu étais donc très attendu. Néanmoins, tu as répondu présent. Comment fait-on pour supporter ce statut ? Comment fait-on pour rester dans le moment présent ?
Là, je vais démystifier le truc. C’est vrai que j’étais favori et j’ai même dit que j’allais gagner. Mais en fait, je ne savais pas si j’allais gagner quand je l’ai dit. Ce que je savais, c’est que j’étais capable de le faire. Je savais que je pouvais me retrouver dans les conditions pour le faire. Il y a une partie de bluff, comme un joueur de poker. A un moment donné, il faut savoir prendre le risque.

En sport, il arrive souvent que l’on dise : il l’a fait parce qu’il y croyait. Moi, c’est exactement ça, j’y croyais. C’est pour ça que je l’ai fait et c’est pour cela que je l’ai dit.

 

Il y a une autre anecdote incroyable par rapport à ce 13 février 1992. Juste avant la finale, tu enjambes les barrières qui te sépares du public et tu vas retrouver le fan-club de La Clusaz pour aller faire un peu la fête et partager ce moment avec eux. Avant la finale !


Oui, ce que les gens ne savent pas, c’est que je n’ai pas fait n’importe quoi quand j’ai fait ça. En fait, j’ai fait ça parce que le matin quand je me suis levé je me suis dit : « Ça va être une journée fantastique. Il faut que chaque seconde dure une minute et que chaque minute dure une heure ». En bref, je voulais en profiter pleinement. J’avais un peu d’attente avant mon run. J’étais au pied de la pente avec Nano. On discutait mais on n’avait plus rien à se dire. J’entendais mes potes du fan-club qui foutaient le bordel. Du coup, j’ai laissé mes skis à Nano et je suis allé vers eux, je me suis emparé d’une grosse cloche et ça gueulait : « On va gagner, on va gagner. On va tout péter. »  On s’est marré et moi, ça ma défoulé. Ça m’a fait du bien. Et c’est exactement ce que je voulais. Vivre pleinement l’événement. Et quand je suis revenu peu de temps après. Cela n’a pas duré plus de trois minutes. Je suis retourné sur la piste, j’ai enjambé, une barrière, les filets. Normalement, ça ne se fait pas trop aux Jeux. Normalement, c’est interdit.

 

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PRESSESPORTS/Pichon - Edgar Grospiron JO Albertville 1992

 

Oui, surtout en 2022…
Oui, et là je suis retourné voir Nano qui était un peu estomaqué. Et ce qu’il m’a dit bien après : « Quand tu es revenu auprès de moi, il y avait comme un halo de lumière autour de toi. Tu étais comme intouchable. Je n’ai même pas pu te parler ni te dire quoi que ce soit. Tu étais dedans. »

Et là, je suis monté au départ et j’étais bien. J’avais déjà accompli une partie de ma mission.

 

Dans les années qui ont suivi ta carrière, tu t’es retrouvé consultant télé et même chroniqueur sur Canal Plus. Tu as pu brièvement exprimer un véritable talent d’animateur. N’as-tu jamais envisagé d’en faire une nouvelle carrière ?  


En fait avec Canal, il s’est passé quelque chose pendant les Jeux d’Atlanta et ça a peut-être été déterminant. Je participais à une des premières émissions en plateau avec Charles Bietry (3), une émission qui s’appelait « Georgia ». J’avais présenté un petit sujet à la con sur les athlètes qui avaient été oubliés lors de la cérémonie d’ouverture. En fait, j’étais allé interviewer les chevaux de compétition qui n’ont jamais le droit de défiler. Il y avait des commentaires de Nicolas Canteloup qui était venu avec moi et qui faisait la voix de Nelson Monfort. Bref, c’était marrant. Et, là, le sujet passe et Charles se lève de sa place et me dit en direct : « Allez, Edgar, prends le micro. C’est toi qui présente l’émission ». Et à ce moment-là, moi j’avais trop de respect pour le patron. Je lui ai dit : « Non, non, c’est toi le patron, moi je reste chroniqueur. » Et à vrai dire, je ne sais pas ce qui se serait passé si j’avais accepté de prendre sa place.

Bon, là, c’étaient les Jeux Olympiques. Je me sentais un peu dans mon élément. Je ne sais pas si j’aurais pu faire ça toute ma vie. Par exemple, cela nécessitait de vivre à Paris. Et, ça, c’était un sacrifice que je ne suis pas prêt à faire.  

 

Je suis plus attaché à la raison qui fait que l’on peut me connaître qu’au nombre de personnes qui me suivent.

 

Est-ce que ça n’a pas aussi à voir avec la célébrité ? A un certain moment, tu étais vraiment au centre de l’attention et aujourd’hui, tu as une vie beaucoup plus discrète…
On m’a proposé toutes les émissions de télé-réalité imaginables et je les ai toutes refusées. Je ne cours pas après la célébrité. Je suis davantage attaché aux valeurs que je peux véhiculer grâce à mon image, qu’à la notoriété. La notoriété, c’est le nombre de gens qui te connaissent. L’image c’est la raison pour laquelle ils te reconnaissent. Et je suis plus attaché à la raison qui fait que l’on peut me connaître qu’au nombre de personnes qui me suivent.

 

Je ne peux pas finir sans évoquer Perrine Laffont qui t’a en quelque sorte succédé. Je sais que tu l’as soutenue (4)
C’est quelqu’un que j’adore. Elle est chouette. Déjà, ce que je respecte, c’est qu’elle obtient des résultats. Ça, c’est quelque chose qui ne se discute pas. Son palmarès est déjà impressionnant et ce n’est certainement pas le fait du hasard. Cela mérite le respect. En plus, elle a une vraie personnalité. C’est une nana qui est sympa, qui a de l’énergie, qui est ouverte. En plus, c’est quelqu’un qui est à la fois très sensible et très tenace. J’ai la chance de la croiser de temps en temps. Et sans entrer dans son intimité, on a des échanges très riches. J’apprécie vraiment sa personnalité. Sa manière de voir les choses. Elle ne se prend pas trop au sérieux.

Et puis en quelque sorte, quand elle obtient des performances ça me remet dans le jeu. On vient me chercher pour me demander ce que je pense d’elle. Elle me fait revivre !

 

(1) En 1992, les deux co-présidents du comité d’organisation des Jeux d’Albertville étaient Michel Barnier, alors député de la Savoie et Jean-Claude Killy, triple médaillé d’or aux de Grenoble en 1968.

(2) Radiocom 2000 est l’ancêtre des téléphones portables de 1ere génération. Fabriqué par Matra et Alcatel notamment, l’appareil était volumineux et onéreux…

(3) Charles Biétry a été le patron des sports de Canal Plus de la création en 1984 jusqu’en 1998.

(4) Edgar Grospiron faisait partie d’une association de mécènes ayant aidé Perrine et l’équipe féminine de bosses à notamment participer aux Jeux de Sotchi en 2014.

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