La glisse en partage

par SO - Léo Ruiz

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Hyacinthe et Maxime, la glisse en partage

Été / Hiver : Hyacinthe Deleplace est un athlète français malvoyant et skieur alpin spécialisé dans le 200 mètres et le 400 mètres. Maxime Jourdan est à ses côtés, et désormais dans l’aventure Pékin. Et quand les deux racontent comment ils ont appris à travailler ensemble, c’est passionnant…

 

Hyacinthe Deleplace : J’ai commencé un peu par hasard l’athlétisme, on faisait des criteriums scolaires à l’époque. Je donne toujours le meilleur de moi dans ce que j’entreprends dans le sport. J’avais des qualités en course à pied. On m’a invité à un stage, je me suis pris au jeu. J’ai terminé aux Jeux paralympiques de Londres, c’était une super aventure. J’ai continué jusqu’en 2016, mais il s’est passé quelque chose en 2014.
C’étaient les Jeux de Sotchi, j’ai regardé par curiosité, ça m’a intéressé, je trouvais ça génial de voir des binômes descendre. Je me suis dit, si eux, ils le font, pourquoi pas moi ? Chiche. Le ski, je n’en faisais plus depuis des années. Une blessure m’a fait arrêter l’athlé, je me suis dit que c’était un signe, j’ai eu vite fait le deuil de l’athlé, c’était le moment de se lancer dans le ski. J’ai envoyé des mails, notamment à Christian Fémy (ndlr, directeur des sports d’hiver paralympiques pour la FFH), et je lui ai dit : “J’aimerais devenir champion paralympique de ski.” Voilà. J’ai demandé quelle était la marche à suivre. Christian m’a dit : “Viens, monte à Tignes, on est en stage.” Je suis monté, j’ai fait n’importe quoi. J’ai fait du Hyac’, du tout schuss. (Rires.)
Maxime Jourdan : Il a fait l’erreur d’arroser les entraîneurs de la Fédé en bas de la piste. Je l’ai appris plus tard, j’ai compris pourquoi on avait du mal à décoller au début.
HD : Je n’avais plus vraiment conscience de l’environnement, du danger. J’étais venu la fleur au fusil.

 

Le guide joue quel rôle-clé au juste ?

HD : Sans le guide, je ne peux pas courir, donc il faut de l’implication, de l’écoute, de la communication et de l’engagement. Au début, j’ai eu des guides d’un jour, de deux mois, de six mois.
MJ : Je suis recordman en fait !
HD : Je comprends que ça ait été difficile pour ces guides-là, parce que moi, je redécouvrais tout. Passer dans un slalom, ce n’était pas naturel, je ne l’avais jamais fait. J’ai tout découvert, en matière de logistique, de matériel. Je repartais de zéro. L’impatience a pu gagner la volonté de ces personnes qui ont tenté de m’accompagner. Max a relevé le challenge, on a construit ce projet petit à petit.

 

"Me dire que ce que je fais, ce n’est pas que pour moi, mais pour mon coéquipier me motive."

 

MJ : Lors de notre première rencontre, on s’est parlé rapidement au téléphone. On était à trois jours des championnats de France de Chamrousse. Hyacinthe avait eu un désaccord avec son guide lors de la dernière compétition, donc le club nous a mis en relation pour qu’on discute. Le mardi, on se téléphone, le jeudi, on fit un entraînement slalom aux 7 Laux, et on est montés. Le samedi, on était sur les championnats de France. Hyacinthe n’était pas encore très à l’aise avec le slalom. Pour ce qu’on avait comme bagage, on s’en est très bien sortis. Le hasard et la curiosité m’ont amené dans le milieu. J’ai redécouvert la compétition de ski, j’avais évolué en compétition individuelle jusqu’à mes 16, 17 ans, avant d’en avoir marre. Là, me dire que ce que je fais, ce n’est pas que pour moi, mais pour mon coéquipier me motive à faire ce que je ne voulais plus faire. Je taquine un peu là-dessus, mais ça se rapproche de ce qu’on peut faire en école de ski, avec les enfants, où ils suivent le moniteur. Un regroupement de beaucoup de choses que j’apprécie.

 

Hyacinthe Deleplace et Maxime Jourdain

Pressesport / MARTIN ALEX

Hyacinthe Deleplace et son guide Maxime Jourdan - Stage France à Tignes

Si chacun n’a pas sa vie de son côté, on pète des câbles

Vous êtes responsables l’un de l’autre ?

MJ : Je sais que j’ai Hyacinthe à l’arrière des spatules. Si je dis une bêtise, il peut finir dans le décor.
HD : C’est déjà arrivé.
MJ : Pas forcément parce que j’ai dit une bêtise, mais parce que j’ai fait une bêtise.
HD : Il y a cet aspect responsabilité.
MJ : Mais qui est aussi hyper motivant.

HD : L’aspect confiance, c’est quelque chose qu’on a construit. On y est allés crescendo, on n’a pas eu le temps de tergiverser.
MJ : C’est allé très vite. On se met ensemble sur la dernière course en fin de saison à Chamrousse, on fait 3-4 jours de ski l’été ensemble et l’hiver d’après, on attaque la coupe de France, et là, Hyacinthe a eu un déclic sur les skis et il n’a cessé de progresser. D’un coup, on nous a accueillis sur des grosses compétitions, Hyacinthe n’a pas cessé d’évoluer.

HD : C’est important que Max ait un geste qui se rapproche de ce que moi, je dois reproduire derrière.
MJ : Un espèce de modèle.
HD : C’est pour ça que c’est important que lui soit bien techniquement. Mon rôle derrière est d’optimiser les trajectoires.
MJ : J’avais ce bagage de ski, même si j’étais loin d’être un magnifique skieur. Je suis plus un skieur au style des années 1980, ça bouge un peu partout, ça fait partie des choses que j’essaye d’améliorer, pour que Hyacinthe puisse avoir un modèle à l’avant. Il y a aussi un aspect organisation que j’essaye de mettre en place. J’ai été très pénible avec Hyacinthe. J’étais toujours derrière lui à l’embêter.

 

L’équipe de France ? Vu l’investissement que c’est, ça représente beaucoup !

 

Passer de l’athlétisme au ski, ça change aussi la routine de l’athlète ?

HD : Je dirais surtout que j’ai eu besoin de trouver mes marques en ski alpin. L’organisation n’est pas la même qu’en athlé, où tu as une paire de pompes, un short et un T-shirt, là on a vraiment beaucoup de matériel en ski, j’ai dû me remettre en question, trouver d’autres moyens de pallier ce manque.
MJ : On a bien fait connaissance au début, après faut aussi qu’il y ait une certaine distance. On passe quand même des périodes avec beaucoup de temps ensemble sur les stages, si chacun n’a pas sa vie de son côté, on pète des câbles.

HD : Max est avant tout là pour le projet, il a aussi sa vie à côté, j’ai la mienne, on se les raconte, mais on a besoin de souffler.
L’équipe de France ? Vu l’investissement que c’est, ça représente beaucoup. Ce n’est pas un aboutissement, l’aboutissement ce serait une médaille, mais c’est une fierté.

MJ : Ça a toujours été un rêve de gosse d’être en Équipe de France de ski. Je ne pensais pas que ça arriverait dans ce contexte-là, mais aujourd’hui, c’est comme un rêve. Je suis dans la situation dont gosse je rêvais.

 

Au fur et à mesure du temps (...), la communication est devenue plus fluide et simple.

 

Comment se parle-t-on ?

HD : Quand on a commencé le ski ensemble, on a mis en place énormément de communication. Parfois, on s’est un peu perdus, mais c’était nécessaire que Max m’indique pas mal de choses. On communique avec des intercom moto, c’est à la fois simple et instantané. Quand Max me dit quelque chose, je dois lui faire un retour, et je dois lui dire d’avancer plus vite ou moins vite. Au départ, c’était compliqué parce que j’avais peu de repères. Au fur et à mesure du temps et de ma progression technique, la communication est devenue plus fluide et simple.

MJ : Au début, c’était : 3, 2, 1, virage. Aujourd’hui, c’est juste un signal.
HD : Il y a même des aspects de communication qu’il n’avait pas captés.
MJ : Et qu’on a compris deux ans plus tard.
HD : Le moment où je passe la porte par exemple.
MJ : Quand il me disait “OK”, pour moi, ça voulait dire “C’est bon je suis derrière toi.” En fait, c’était “OK, j’ai passé la porte.”
HD : On a beaucoup progressé sur l’inter distance.

MJ : On est deux, on a chacun nos caractères. Il y a des moments où on est super proches, on s’entend super bien, d’autres moments où on en vient au clash. Des moments de tension où on est capables de se rentrer un peu dedans. C’est l’ensemble de tout ça qui a fait que l’on a pu progresser.
HD : Il y a une espèce de balance, au fur et à mesure les choses s’équilibrent. C’est l’apprentissage.

 

" Maxime, c'est 3 ans et demi de bénévolat "

Une médaille, ça sera déjà une belle récompense.

Quand ça se passe mal, vous arrivez à rester proches ?

MJ : La seule fois où j’ai vraiment hurlé sur Hyacinthe, au retour d’une tournée de coupe d’Europe à Saint-Moritz, en Suisse.
HD : Ah oui, l’histoire des bâtons dans le bus.
MJ : C’est la première et dernière fois que le groupe m’a entendu gueuler sur Hyacinthe. Il y avait un cumul de beaucoup de choses, de la fatigue et un craquage.
HD : Mais moi aussi, je t’ai gueulé dessus. (Rires.)

MJ : Les premières compétitions que j’ai faites avec Hyacinthe, c’est de l’investissement, à côté j’avais les études, des situations familiales. Je suis sorti de ma première tournée de coupe du monde, j’étais cuit. Je suis rentré chez moi, je n’ai pas pu retourner à la fac pendant trois jours. J’étais mentalement et physiquement lessivé.
HD : Je crois que cette expérience t’a beaucoup appris sur toi-même, Max. Et moi aussi, elle m’en apprend sur moi. Tu fais un peu plus la part des choses.

MJ : Au début, je me disais que comme malvoyant, il devait être très assisté pour se déplacer. Et en fait, pas du tout. Première remarque que les autres m’ont faite quand ils ont rencontré Hyacinthe, c’est : “Il est vraiment malvoyant ?” Quand on le voit se déplacer, pour peu qu’il ait repéré un minimum son environnement, on ne s’en rend pas compte. J’ai appris à réévaluer ça. Sur d’autres points, je relativise. Un truc tout bête : souvent il oublie ses affaires sur la table, parce qu’il les pose, il tourne la tête et il ne les a plus dans son champ de vision. Ça m’énerve encore aujourd’hui, mais moins.

 

Pékin, vous l’abordez comment ?

MJ : Pour moi, ça a demandé un réaménagement de ma vie à côté, j’ai repris un préparateur, je me suis remis au vélo, j’ai fait des concessions là-dessus.
HD : Tu as même dû dépasser des peurs.
MJ : Oui, j’avais les pétoches sur un vélo il y a deux ans. On a eu de la chance aussi avec Hyacinthe, ma condition de vie actuelle me permet de dégager beaucoup de temps.

MJ : Après, Pékin, on sait où on va, on sait qu’on va donner le maximum. Je ne suis pas quelqu’un de prétentieux. Pour moi, une médaille, quelle qu’elle soit, ça sera déjà une belle récompense, et ce sera forcément la plus belle. L’après Pékin, on n’en parle pas encore.
HD : On va avoir besoin de recul à la sortie…

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