Suivez les flèches

Age is just a number. L’équipe de France masculine de tir à l’arc est un savoureux melting-pot générationnel, de l’ancien, Jean-Charles Valladont, 35 ans, quatre Jeux Olympiques au compteur (il était à Pékin 2008, Rio 2016 et Tokyo 2020) dont une médaille d’argent ramenée du Brésil, au benjamin, Baptiste Addis, 17 ans, plus jeune sélectionné olympique masculin à Paris et qui tablait encore il y a peu sur une découverte des Jeux à… Los Angeles en 2028. Au milieu, à mi-chemin d’âge (26 ans) et d’expérience (il a déjà vécu Tokyo), Thomas Chirault. Le trio, récent champion d’Europe, arrive avec de fortes ambitions à Paris, collectives notamment : « On a pour objectif une belle médaille par équipes, et aller le plus loin possible en individuel », énonce Chirault.

 

Leurs qualifications maîtrisées (2^e) ont planté le décor… en même temps qu’elles leur ont permis de prendre leurs marques et de l’appréhender, ce fameux décor de JO à la maison, sur l’esplanade des Invalides. Et cet émerveillement-là, aucune expérience préalable ne peut vous en prémunir : «  Il y a eu de l’émotion et de l’intensité tout au long de ces 12 volées de flèches, témoigne Jean-Charles Valladont. J’ai commencé très tendu, mes flèches n’étaient pas groupées, avant d’être bien plus à l’aise, confiant lors de la seconde série. »

 

« Ça va être une sacrée vitrine pour le tir à l’arc. A nous de produire la performance et faire le show pour que les gens qui viennent nous voir en prennent plein les yeux ! » Thomas Chirault

 

C’est tout l’enjeu pour le tireur : garder son focus sur la cible et ne pas écarquiller les yeux devant « ce site magnifique, avec les Invalides qui nous regardent. C’est les JO de Paris, chez nous, à 15 kilomètres de l’Insep où l’on s’entraîne à l’année. » « On a sans doute l’un des plus beaux sites de compétitions des JO, abonde Chirault. Ça va être une sacrée vitrine pour le tir à l’arc. A nous de produire la performance et faire le show pour que les gens qui viennent nous voir en prennent plein les yeux ! »

 

Mais notre meilleur Français du tour de classement fut bien Baptiste Addis (6^e sur 64), devant Chirault (9^e) et Valladont (19^e). Le novice des Jeux n’a pas été débordé par l’évènement même si, pour lui aussi, « les deux premières volées n’ont pas été faciles, le temps de trouver le bon feeling et me mettre dans la compétition. J’ai fait des petites erreurs avec la pression puis suis arrivé à me mettre dedans, à rentrer dans ces qualifications et prendre du plaisir, tirer comme je voulais... Je sentais que ça venait, les proches m’encourageaient et trouvaient que c’était plutôt bon et je suis remonté petit à petit pour aller chercher le haut du classement. »

 

« On est avant tout trois individualités tellement différentes qu’elles donnent un beau mélange qui fonctionne. On est une équipe. » Jean-Charles Valladont

 

Il faut savoir démythifier pareil évènement. Dans un sport où la plus grande concentration est de mise et où tout le monde fonctionne à l’économie de mots et aux tonalités de voix proches du murmure, conférant une solennité certaine à l’ensemble, Jean-Charles Valladont a entrepris de détendre l’ambiance. « J’avais souvent la pancarte du n°1 mondial derrière moi. A un moment j’ai regardé Thomas et lui ai fait « T’as vu, c’est moi le premier aux qualifs ! » C’était un instant un peu rigolo, afin de se relâcher. Et se donner un peu confiance, aussi, en voyant que tout le monde fait des erreurs. Sur ma cible, le Sud-Coréen qui était premier un bout de temps (Kim Je Deok, 2^e final) a fait un 6, un 7… tu te dis que tout le monde subit à un moment. »

 

A longueur d’interview, Valladont fait la moue devant l’expression « grand frère ». « Ils ont beau être plus jeunes que moi, mettre une flèche au milieu d’une cible, ils savent faire ! On est avant tout trois individualités tellement différentes qu’elles donnent un beau mélange qui fonctionne. On est une équipe, on est ensemble. Baptiste ces deux dernières années on l’a vu s’épanouir et aujourd’hui il est le premier de nous trois au score pour ses premières volées aux JO ! Tu as Thomas pas très loin de lui et puis moi l’ancien qui suis toujours là, pas trop loin non plus. »

 

« De la découverte du Village jusqu’au pas de tir, je n’ai pris que du plaisir jusqu’à maintenant. C’est un rêve d’enfant qui se concrétise. » Baptiste Addis

 

Chirault embraye : « Quand on est tous bien on se tire tous la bourre et ça nous hisse vers le haut. » Addis enfin : « On s’est tous préparés pour être là. Dans mon cas, on a travaillé sur la manière de rivaliser avec ces champions-là, qui pour certains sont là depuis vingt ans. Il y a eu tout un travail fourni pour se convaincre que tu es à ta place. Et puis je suis en confiance. Que ce soit avec les coéquipiers, le staff, ce sont des gens expérimentés, sur lesquels je peux compter. Il n’y a pas à avoir peur, on sait qu’on est au niveau, il faut juste faire ce qu’on sait faire. »

 

Et si l’absence de vécu antérieur du p’tit jeune s’avérait son meilleur atout, justement ? « De la découverte du Village jusqu’au pas de tir, je n’ai pris que du plaisir jusqu’à maintenant. C’est un rêve d’enfant qui se concrétise. J’essaye de kiffer un max le moment, sans trop me poser de questions. Sur le pas de tir, c’est juste moi, mon arc et ma cible, comme je le fais depuis maintenant deux ans à l’Insep de manière intensive. Pas de questions à se poser. Pas attendre, pas être impatient, pas stressé non plus, juste laisser les étapes venir l’une après l’autre. » La prochaine, c’est ce lundi. Et cette équipe-là, il faudra être sacrément costaud pour entraver sa quête olympique.