Arthur Bauchet : «Chaque saison je me dis que c’est la meilleure de ma vie»
Arthur Bauchet a 21 ans, et pourtant il s’est déjà taillé un immense palmarès. Déjà sept titres de champion du monde depuis 2017, alors qu’en 2018 à seulement 17 ans, il décrochait quatre médailles d’argent aux Jeux Paralympiques de Pyeongchang. Cette année, exit l’insouciance des débuts et de la découverte des Jeux. Arthur Bauchet a progressé pendant chacune des quatre années qui le séparent de sa première expérience paralympique. Avec déjà 2 médailles d'or à Pékin, il peut, et veut tout emporter sur son passage.
Comment as-tu commencé le ski, puis la compétition ?
J’ai commencé le ski en tant que ‘citadin’, c’est-à-dire qu’au début je skiais en tant que vacancier quelques semaines par an, pendant les vacances. C’est ma mère qui a fait découvrir le ski à toute la famille, et en fait avec mon frère on a vraiment eu un coup de cœur pour le ski. Ensuite pendant presque dix ans, tous les weekends on montait skier à Serre-Chevalier, et on a dû manquer un ou deux weekends parce que la station était fermée à cause de la météo.
J’ai dû commencer la compétition vers dix ans je crois, c’était une compétition valide “Citadine” qui s’appelle l’Etoile d’Or. On la préparait chaque année pendant toute la saison et on y allait en fin d’année. J’ai commencé comme ça, et après j’ai commencé en handi en 2016 quand je me suis installé à Serre-Che avec ma mère. Là-bas, j’ai une prof de sport qui m’a parlé du para ski alpin alors que je n’y avais jamais trop pensé parce que mon handicap était quand même assez récent. Je me suis lancé dans cette aventure d’abord dans le groupe jeune avec pour objectif Pékin 2022, et finalement tout est allez très vite puisque j’ai eu rapidement de bons résultats qui m’ont permis de transformer le Pékin 2022 en Pyeongchang 2018, et finalement j’arrive à cet objectif initial de Pékin avec pas mal d’expérience en plus !
Tu es arrivé très très jeune à haut niveau, comment ça s’est passé pour toi l’arrivée aussi jeune dans la “cour des grands” ?
C’était assez fou, j’étais scolarisé au lycée à Briançon, et à la base je ne devais faire que les Coupes de France le weekend et quelques courses internationales par-ci par-là, mais sans manquer beaucoup de cours, puisque j’étais dans un cursus scolaire classique. Finalement ça s’est très vite intensifié, j’ai fait une première course internationale en novembre 2016, dans un dôme aux Pays-Bas où je fais deux quatrièmes places et meilleur français. On s’est dit que ça commençait quand même pas mal, ensuite je suis parti en Autriche où j’ai fait trois podiums en trois courses, ce qui m’a permis de décrocher le ticket pour ma première Coupe du monde, en décembre 2016. J’avais tout juste 16 ans, et sur ces quatre Coupes du monde je gagne les trois premières, puis je tombe sur la quatrième ; c’était juste fou. Ça me permet de participer aux Championnats du monde de janvier 2017, où je suis deux fois champion du monde et une fois deuxième… à cette période tout est allé super vite, et je valide comme ça mon ticket pour les Jeux de Pyeongchang 2018 ! On est vraiment passé d’un objectif Pékin 2022, à un mois plus tard viser directement Pyeongchang, je me suis dit “ah ouais, ça va vite !”. A partir de là les stages d’été ont commencé, et j’ai aussi intégré le Pôle France ski au lycée d’été d’Albertville, puisque ça devenait très compliqué pour le bac l’année des Jeux Paralympiques. Ça s’est super bien passé en Corée, et ma carrière a vraiment décollé ensuite.
Tu es étudiant, comment tu t’organises avec ta vie d’athlète de haut niveau ? Tu as un emploi du temps aménagé ?
Je suis en licence de sciences à Grenoble, normalement je dois y être en présentiel en avril et en mai, sauf que là, avec le covid, le présentiel a été très très restreint, donc à part pour les partiels j’ai rarement pu y aller, et ça commence à faire un peu long. En tant que sportif de haut niveau je vais faire ma licence en six ans au lieu de trois, mais les objectifs sportifs à côté sont beaux.
Tu peux nous expliquer dans quelle catégorie tu concours aux Jeux et quelle est ton épreuve préférée ?
Ma catégorie c’est ski debout, classé en LW3 et ensuite j’ai un coefficient sur le temps en fonction de mon handicap. C’est compliqué à expliquer mais on a un facteur qui influe sur notre chrono, plus on est handicapé et plus le facteur est petit, plus on nous enlève des secondes. Aux Jeux je m’aligne sur les cinq épreuves, descente, super-g, super combiné, géant et slalom, j’ai fait des podiums en Coupe du monde sur les cinq disciplines, donc je sais que je suis médaillable sur les cinq. Je pense que mes disciplines les plus fortes seraient le super combiné, le géant et le slalom. Ce sont aussi les trois dernières épreuves, et c’est une chance, puisqu’au moins je n’aurais rien à perdre sur les premières épreuves de vitesse, il y aura juste à engager et espérer faire mon ski. Dans l’équipe on pratique tous les cinq disciplines, lors des stages on essaie de toucher à tout. Les premières années on a vraiment mis l’accent sur la vitesse parce que c’était vraiment là qu’il y avait le plus de travail, et ça m’a pas mal servi puisque par exemple je gagne le globe en descente la saison dernière… donc la préparation a marché. Quand je suis chez moi je m’entraîne souvent en slalom par exemple comme c’est moins contraignant, et on profite des stages pour s’entraîner en vitesse puisque l’organisation est plus complexe, avec les pistes fermées et toute la sécurité que ça implique. Par exemple pour le dernier stage de préparation on a réussi à tout faire, malgré notre dépendance à la météo qui fait qu’au lieu des trois jours prévus on a pu faire un seul jour d’entraînement en vitesse, tout en compensant avec du géant et du slalom les autres jours.
Getty Images/Lintao Zhang - Arthur Bauchet Peyongchang 2018
Depuis 4 ans, qu’est ce qui a changé dans ta façon de skier, dans ton approche des courses et des grands événements ?
J’ai changé en quatre ans, mon statut a changé, je suis passé de la “jeune recrue”, le plus jeune sur le circuit, à médaillé paralympique donc forcément ça change beaucoup de choses. Techniquement forcément j’ai largement évolué, mais mes concurrents ont évolué aussi, on a tous progressé. Chaque saison que je termine je me dis que c’est la meilleure de ma vie, donc ça donne une idée de ma progression (rires) ! J’ai énormément progressé sur les skis, notamment en slalom où j’ai vraiment eu un déclic.
C’est vraiment une chance d’avoir un groupe comme ça !
Comment ça se passe au sein de l’équipe de France ?
C’est vraiment une chance d’avoir un groupe comme ça ! Ce qui fait notre force, c’est qu’il y a une certaine rivalité à l’entraînement, qui nous permet de nous jauger en temps réel avec les chronos. Parfois un tel est devant, parfois ça va être moi, parfois un autre, et ça nous force à toujours pousser le curseur un peu plus haut à l’entraînement, et ce n’est pas le cas dans beaucoup d’équipes. C’est une chance et il faut savoir s’en servir. Au-delà de ça c’est vraiment génial, on s’entend super bien. C’est important puisqu’on passe plus de temps avec eux qu’avec notre propre famille, donc c’est essentiel de se sentir bien !
On sait qu’un des paramètres importants pour toi c’est ta gestion de la fatigue, car cela te demande beaucoup d’énergie, comment tu gères ça aujourd’hui, tu as appris à t’économiser ?
Oui j’ai progressé là-dessus car ma maladie évolue aussi, c’est compliqué à gérer. On a dû se pencher sur la question, là je finis mes tournées de courses très très fatigué, mes jambes ne répondent quasiment plus quand je suis en bas. Quand je suis fatigué, ‘c’est 90% dans la tête et 10% dans les jambes’, et après on adapte ce pourcentage en fonction de la forme du moment. Je vais vraiment essayer de me préserver sur les courses, au village j’aurai peut-être un fauteuil électrique ou une trottinette pour reposer mes jambes au maximum. Pour la reconnaissance et les échauffements j’utilise le ski-mojo, qui est un petit exosquelette qui vient soulager le poids sur mes jambes pour ces moments-là. On met toutes les chances de notre côté pour ces Jeux, et j’espère que ça paiera jusqu’à la dernière course.
Est-ce que tu penses à ton opposition avec Bugaev, qui est un peu ton grand rival depuis le début de ta carrière et avec qui vous vous partagez la première place du podium ?
Oui forcément on y pense… Je sais que je suis capable de le battre, et je sais qu’il est aussi capable de me battre, et ça donne une motivation supplémentaire. Si je veux faire les résultats que je vise, il va falloir mettre tout ce que j’ai, faire des manches pleines, donc je m’en sers vraiment comme d’une motivation supplémentaire, au lieu de ressentir de l’appréhension.
Comment tu as vécu ces deux dernières années pour t’entraîner avec toutes les restrictions, c’était compliqué ?
Sur cette période on a eu la chance d’avoir accès à des stations, mais ça faisait bizarre. Quand on arrive en haut d’une piste et qu’il n’y a pas un bruit, pas un télésiège qui tourne, un grand silence alors qu’on est en pleines vacances, on se dit ‘wow, là y’a un truc qui cloche’. Mais on a eu quand même cette chance là, de pouvoir continuer à s’entraîner, même s’il y a pas mal de courses qui ont sauté. Mais c’est le jeu, le ski c’est un sport d’adaptation, là il fallait s’adapter sans arrêt.
Vous vous êtes un peu isolé avant de partir pour mettre toutes les chances de votre côté pour éviter d’attraper le Covid…
Oui c’est ça on s’est un peu confinés, on a fait gaffe parce que ça serait dommage de perdre quatre ans de boulot pour un test positif. Moi depuis le 1er janvier j’évite de voir mes amis et ma famille, dès que je dois voir du monde je mets un masque FFP2, et les seules personnes que j’ai côtoyées en fait c’est l’Equipe de France, et on fait tous gaffe, on est tous testés. J’ai hâte de pouvoir reprendre une ‘vie normale’ après les Jeux, en espérant que ça se soit bien passé.
Arthur Bauchet décroche la première médaille d’or
Et de deux pour Arthur Bauchet !
Après s’être offert son premier titre paralympique sur la descente samedi, notre Français a remporté une nouvelle médaille à Yanqing sur le super combiné.